A propos

« Le chemin qui va de moi à moi fait le tour du monde » dit Keyserling.
La peinture de sadik FARABI exprime elle aussi et sans détour une quête identitaire : le parcours d’un monde à l’autre, l’expérience d’un voyage – d’abord individuel – comme télescopage des temps et des lieux. Est-ce le résultat d’une histoire personnelle et familiale, celle qui nous amène depuis le Sahara, à Rabat puis Montpellier ?
Traduisant inlassablement dans sa peinture les emprunts à la musique et aux rituels gnaouas, Subsahariens ; aux couleurs qui ne manquent pas d’évoquer le Maghreb, celui d’un monde nomade oublié à un monde urbain omniprésent, mais aussi plus intimement, la cuisine aux couleurs et saveurs elles aussi bigarrées. Pareils aux grains de sables disséminés dans l’œuvre de l’artiste, ces traces fabriquent un univers unique.

Longtemps désir rentré, parce que l’art ne sera pas envisagé comme une issue envisageable par ses proches, c’est pourtant à la faveur de souvenirs d’enfance illustrés de crayons et pinceaux : observant son père préparer et dessiner les croquis des modèles des caftans et des djellabas ou sa mère faire motifs et symboles avec le henné ; qu’il retire ses premières expériences et contacts avec le dessin. Se forme ainsi une relation intime avec la peinture. A l’adolescence, dés les premières toiles à la gouache puis l’aquarelle c’est le début d’une fascinante exploration. Son plaisir à peindre, de passe-temps, se transforme rapidement en un besoin constant et renouvelé d’expression. Il accompagnera incessamment son parcours.

Tout pourrait aussi tenir dans une carte. Héritière d’une tradition millénaire celle des géographes arabes qui de Al-Idrissi avec le « Livre des voyages agréables dans des pays lointains » à Ibn Battuta qui nous donne à connaître l’Europe la méditerranée, l’orient et l’asie ou encore Ibn Khaldun sa géopolitique. Car la carte ne procède elle pas aussi de l’art. Tout à la fois système de signe, une sémiologie graphique opérant comme la recherche permanente de la pertinence des représentations de l’espace et des groupes sociaux qui les peuplent. Comme avec elle, Sadik FARABI retrouve dans la géographie et la cartographie qu’il épousera finalement, un indice tangible, pourquoi pas sensible, qui exprime la polysémie du tableau. La carte nourrissant le tableau et le tableau la carte en autant de symbole et de représentations qui font sens.

Si tout semblerait assigner l’œuvre de l’artiste à une recherche identitaire, elle est pourtant bien plus que cela. Ouvrant des perspectives sur le monde comme sur la variété des êtres, la série des fenêtres ne nous donne-t-elle pas à voir l’universel ? Celui qui dans les villes tentaculaires – référence permanente à l’urbain par l’artiste – comme dans la figure emblématique de la parabole qui signale la société rémanente des médias, court le risque d’un broiement de l’individu à l’infini.

Au contraire l’œuvre de Sadik FARABI est une invitation renouvelée à l’altérité, à la liberté d’action dans un cadre contraint, image de ce qui pourrait être une sorte de banquet mondial.

Fabien BLASCO
Urbaniste